30 Mar 2020 | 0

Le texte de Mélany, infirmière libérale (Les ChroCo #18)

Hier, par hasard, je suis tombée, via Facebook, sur ce texte écrit par Mélany Le Barz-Ceretta, infirmière à Quimper. La justesse de ses propos, le percutant de ses mots m’ont tout de suite donné envie de les partager ici, avec l’accord de Mélany, bien sûr. Publié samedi 28, son post semble être devenu viral (87 000 partages et près de 10 000 commentaires à l’heure où je vous écris) mais peut-être ne l’aviez-vous pas déjà lu. J’avais envie dans tous les cas d’ancrer les mots de Mélany ici, en remerciement et en pensée de soutien à tous les soignants, en ce début de la troisième semaine de confinement.

Monsieur le Président,

Nous sommes le 28 mars 2020, je vous écris depuis l’appartement de Mme T. qui devrait fêter, si le coronavirus ne la fauche pas avant ses 104 printemps le mois prochain.
Elle vit dans une résidence pour personnes âgées, dans laquelle moi et mes collègues infirmières libérales, intervenons depuis plusieurs années. 
Permettez-moi de vous montrer à quoi nous en sommes réduites en ce beau jour de mars. Regardez bien la photo s’il vous plaît. J’ai 2 patients potentiellement atteints par ce virus et je viens de faire la toilette d’une dame de 104 ans, équipée d’une charlotte, d’un simple masque chirurgical (dont vous connaissez parfaitement l’inutilité puisque lors de votre dernier discours à Mulhouse vous aviez la chance de porter un masque FFP2 depuis longtemps introuvable en pharmacie y compris pour les professionnels de santé, alors que je doute fort que vous ayez été en contact direct avec les malades), de surchaussures et d’un SAC POUBELLE gracieusement fourni par l’établissement parce que les stocks de blouses sont en rupture.
Alors moi, aujourd’hui, j’ai envie de pleurer, parce que comme beaucoup de mes collègues j’ai dû me résigner à laisser mes enfants à mon ex-mari pour ne pas les contaminer, je ne les ai pas vus depuis 15 jours maintenant. Parce que j’ai transformé ma buanderie en sas de décontamination et que malgré ça je vis dans l’angoisse de contaminer mon conjoint. Parce que chaque jour je vais voir mes patients avec la crainte de contaminer les plus fragiles d’entre eux.
Monsieur le Président, arrêtez vos discours de remerciements, c’est indécent. Quelle haute estime devez-vous avoir de vous-même pour imaginer une seule seconde qu’un simple merci de votre part suffira à nous faire oublier vos carences, ainsi que les gaz lacrymogènes dont vous nous aspergiez il n’y a pas si longtemps encore.
Arrêtez de nous promettre du matériel qu’on ne voit pas arriver.
Arrêtez de nous qualifier de héros. Un héros se sacrifie pour une cause. Je ne veux pas me sacrifier: en tout état de cause, c’est VOUS qui me sacrifiez.
Arrêtez de parler des soignants comme de bons petits soldats. 
Les soldats ont des armes. Nous, on a des sacs poubelles.

Mélany Le Baez-Ceretta

Take care, stay in & stay safe!

Postambule : Partant du principe que les angoisses se gèrent mieux quand elles sont écrites (en ce qui me concerne, en tout cas !), et craignant le confinement à venir et toutes les conséquences humaines, économiques et sociales du coronavirus, j’ai décidé d’écrire sur mon blog, tous les jours de cette période anxiogène, une chronique, plus ou moins longue.

Sans prétention littéraire, sans même vous garantir qu’elle reposera sur des faits réels. Juste des mots posés, pour me faire du bien, et peut-être à vous aussi. Avec une jolie photo en illustration pour ne pas oublier la beauté du monde qui nous entoure. Sauf ce soir, lundi 30 mars, où diffuser la photo de Mélany était plus important que d’honorer la nature…

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