La journée avait été belle et douce, productive et studieuse. Le luxe du temps avec les enfants, de la poésie enregistrée pour la maîtresse, du cours via Zoom assuré par la prof d’histoire de mon aîné (ne jamais rater une occasion de réviser le vocabulaire de l’art gothique !). Le luxe de la balade sous le soleil enchanteur dans notre banlieue verdoyante : être tous les trois debout, marchant, bien portants, à arpenter les rues pour faire un peu d’exercice. Croiser quelques connaissances même et mieux, des copains ! Se tenir à distance mais être si heureux de voir des têtes connues. Admirer les arbres aux fleurs lourdes et éclatantes de blancheur. Respirer librement.
Rassurant quotidien
Cuisiner, applaudir, discuter, débarrasser, un peu de Netflix (mon aîné nous a poussés à regarder, comme tous ses copains, le film turc n°1 sur la plateforme, au demeurant vraiment touchant). Les enfants couchés. Et puis le besoin de s’informer car le flash d’information n’a pas suffi. Des chiffres … glaçants. Puis des photos, sur lesquelles je tombe au gré d’un hasard malheureux – ou pas tant que ça, peut-être. Car l’horreur est bien là, à l’extérieur, et il ne faut pas l’oublier, même si l’on est réfugiés (encore plus ?) dans son confort bourgeois. Je n’avais pas stressé de la journée et m’en serais presque voulu – mais non, cette sérénité est un trésor fragile : je la chéris quand elle est là.
Face à l’horreur extérieure
Ce qui n’empêche pas d’ouvrir les yeux et de regarder les choses en face – et ces photos, donc. Les Etats-Unis, qui furent un temps mon pays d’adoption et où mon cœur bat encore un peu, et leurs scènes de désolation dans le Nevada, à New York, en Pennsylvanie. L’inhumanité dans le traitement des corps : ceux des SDF, ceux des morts.
Eux et nous
Face à cela, qu’ai-je fait aujourd’hui ? J’ai écrit, nourri mes enfants, les ai fait travailler. J’ai soutenu des producteurs, ma seule action à visée collective pendant ce confinement (mais une action qui “fait sens”), et peut-être vous qui me lisez (mais j’en doute…). Dérisoire.
Eux, les soignants, les employés des pompes funèbres, ils font face à cette horreur, à l’inconcevable, jour après jour. Qu’avons-nous fait pour en arriver là ? Qu’allons-nous pouvoir faire pour nous relever ? Comment pourrons-nous les remercier, ces héroïnes et héros ? Comment avoir idée de ce que ces femmes et ces hommes traversent ? Comment vont-ils se remettre psychiquement ? Comment allons-nous faire société alors que certain·e·s auront tant donné d’elles et d’eux et d’autres pas ? Comment faire sa part dès maintenant, hormis en restant chez soi ?
Vous savez comment, vous ?
Take care, stay in & stay safe!
Postambule : Partant du principe que les angoisses se gèrent mieux quand elles sont écrites (en ce qui me concerne, en tout cas !), et craignant le confinement à venir et toutes les conséquences humaines, économiques et sociales du coronavirus, j’ai décidé d’écrire sur mon blog, tous les jours de cette période anxiogène, une chronique, plus ou moins longue.
Sans prétention littéraire, sans même vous garantir qu’elle reposera sur des faits réels. Juste des mots posés, pour me faire du bien, et peut-être à vous aussi. Avec une jolie photo en illustration pour ne pas oublier la beauté du monde qui nous entoure.