Cela vous est-il déjà arrivé d’acheter un paquet de biscuits, même bio, portant la mention “huile de palme” (ou pire, la mention vague “graisse végétale”) et d’avoir de gros doutes sur ce que vous donnez à manger à vos enfants ? Je vous ai mis en garde il y a 2 ans contre les graisses hydrogénées, m’en prenant en particulier à l’huile de palme. A la lecture du dernier Consom’action (de mars-avril 2011), le magazine des Biocoop, et d’une page dans Elle (daté du 25 février 2011) intitulée “Faut-il avoir peur de l’huile de palme ?” , je tenais à faire le point en vous disant les 4 vérités concernant ce produit dont la consommation et la production donnent lieu à débat.
1 – Un produit plébiscité par les industriels
L’huile de palme est présente dans un produit sur 10 de nos supermarchés (biscuits, pâtes à tartiner, viennoiseries, soupes, biscottes, produits cosmétiques, détergents, etc) et ce, pour une raison simple : elle est la moins chère de toutes les huiles produites et la plus rentable à l’hectare. Par sa texture naturellement solide à température ambiante, elle est facile à stocker et à transporter. Elle est également facile à cuisiner grâce à sa résistance aux changements de température. Enfin, elle ne rancit pas et a un goût peu marqué.
2 – Un produit dont la consommation fait polémique
Si la consommation d’huile de palme hydrogénée (comme de toute graisse sous la forme hydrogénée) est à proscrire, la consommation-même de l’huile, et surtout, sa surconsommation, donne lieu à débat. Selon l’article de Elle mentionné plus haut, à dose élevée, l’acide palmitique serait athérogène, c’est-à-dire qu’il favoriserait le dépôt du cholestérol en excédent sur la paroi artérielle, contribuant au développement des maladies cardio-vasculaires. Jean-Michel Chardigny, chercheur au département de nutrition à l’INRA (Institut de la Rechercher agronomique), va plus loin en déclarant (ici) que l’huile de palme n’apporte aucun bénéfice nutritionnel.
Cette position est contestée par les experts, notamment le Dr. Jean Graille, ancien chef du laboratoire de lipotechnie au CIRAD (centre de recherche français qui répond, avec les pays du Sud, aux enjeux internationaux de l’agriculture et du développement). Ce dernier explique que, par une subtilité biologique liée à la distribution des acides gras sur les positions 1,2 et 3 du glycérol, l’huile de palme, de même que le beurre de cacao, n’est pas athérogène, contrairement à la graisse de porc (pour plus de détails dans les explications scientifiques, cliquez ici). J’ai contacté l’INRA et M. Chardigny pour avoir leur avis sur la question, mais il m’a été répondu que ce dernier « ne communiquait plus sur le sujet »…
Jean Graille estime que la polémique liée à l’huile de palme a deux origines : d’une part, “une culture scientifique insuffisante (…) qui conduit à l’ignorance des mécanismes biochimiques de base présidant à la digestion de la prise alimentaire humaine” et d’autre part, “des raisons politico-économiques qui se déclinent en diverses manipulations protectionnistes”. D’après lui, les pays producteurs de soja du continent américain et les producteurs européens de colza et de tournesol souhaitent protéger leurs propres cultures en diabolisant l’huile de palme.
Selon ce scientifique encore, les clichés propagés sur l’huile de palme sèment le trouble auprès des consommateurs qui ignoreraient ainsi que l’huile de palme (comme le beurre de cacao) se comporte comme les huiles riches en acides gras insaturés. Il en veut pour preuve la Malaisie, où la population consomme presque exclusivement de l’huile de palme, sans être particulièrement touchée par les maladies cardio-vasculaires.
Au milieu de cette bataille rangée, la question perdure : quelles graisses consommer ? La réponse réside comme d’habitude dans la modération et la variété alimentaire qui permettra de trouver dans un large choix de corps gras différentes sources d’oméga-3 et d’oméga-6. Les produits industriels contenant souvent de l’huile de palme, il paraît judicieux d’une part de limiter la quantité consommée, et d’autre part de consommer d’autres graisses.
On se tournera alors vers des huiles végétales naturellement riches en acides gras insaturés comme l’huile de colza, d’olive et de maïs. Notez que l’huile d’olive ne doit pas être utilisée de façon exclusive du fait de sa faible teneur en oméga-3. Attention également à ne pas la chauffer au-dessus de 180°C. L’huile de tournesol contient quant à elle trop d’oméga-6 et pas assez d’oméga-3. Un inconvénient qui pourra être compensé par l’utilisation d’huile de colza, riche en oméga-3. Les graisses animales, riches en acides gras saturés, sont elles aussi à consommer avec modération.
3 – Un produit doté d’un certain intérêt diététique
Si l’on ne doit pas opter trop fréquemment pour elle, cette huile présente pourtant certains bénéfices diététiques. Sa richesse en antioxydants (tocophérols, tocotriénols, caroténoïdes, vitamine E) est unique, d’où notamment “l’intérêt de son utilisation en Afrique comme source naturelle de vitamine A” (source Cirad).
Le magazine Consom’action cite également de nombreux avantages à cette huile au niveau de sa transformation :
* Elle peut être utilisée sous formes différentes selon le principe du fractionnement.
* Son goût neutre et son état naturellement semi-solide permettent des usages technologiques multiples.
* Son point de fumée (le point au-delà duquel une huile brûle et devient toxique) est élevée (260°C) et en fait l’huile la plus stable en friture industrielle, sans production de composés toxiques ou d’acides gras trans.
* Sa richesse en antioxydants allonge sa durée de conservation (4 fois plus que le colza et 3 fois plus que le tournesol), sans rancissement.
4 – Un produit dont la culture bio ne représente pas un danger pour la planète
Selon l’article de Consom’action, intitulé explicitement “Plaidoirie pour la palme bio”, il n’y aurait pas plus de raison de se priver d’huile de palme bio que de sucre de canne, de café ou de cacao bio car la culture de la palme bio garantit des objectifs de développement durable et de biodiversité. Ce n’est pas le cas de la culture conventionnelle des palmiers qui est considérée comme un cauchemar écologique. Cette culture intensive a en effet entraîné le déboisement (par le feu) de grandes étendues de forêts tropicales en Asie du Sud-Est et en Afrique centrale et avec lui, l’émission d’importantes quantités de dioxyde de carbone et la disparition d’espèces animales comme les orangs-outans.
La majorité de la production traditionnelle est issue de Malaisie et d’Indonésie. 43 millions de tonnes sont ainsi produites par an, contre 60 000 tonnes en culture biologique, qui représente à peine 0,001% du volume mondial. C’est en Thaïlande, au Ghana, au Nigéria et au Brésil qu’est produite la quasi-totalité de l’huile de palme bio à destination de l’Europe. La certification bio prévoit, outre la garantie des objectifs de développement durable et de biodiversité, un engagement de non-destruction des milieux naturels. Une charte RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) a par ailleurs été créée en 2004 afin de promouvoir la production et l’utilisation durable d’huile de palme par la coopération tout au long de la chaîne de production et de distribution, et par le dialogue entre les acteurs impliqués.
Alors, consommer de l’huile de palme, oui, mais surtout non hydrogénée, en quantité (très ?) modérée et uniquement de culture bio.
Et vous, quelles huiles utilisez-vous ?
NB 1 : Findus a supprimé l’huile de palme de ses surgelés depuis fin 2010 : c’est à lire ici.
NB 2 : J’ai contacté le service clients des surgelés Picard à propos de leur utilisation de l’huile de palme. Voici leur réponse, reçue fin 2010 :
“Plusieurs de nos produits sont en cours d’évolution et contiendront de l’huile de colza prochainement. Ainsi dans la famille des poissons panés, les 3 références suivantes : « 4 portions de filet de colin d’Alaska panées – 4 portions de filets de cabillaud panées et les 4 portions de cabillaud panure croustillante » seront frits dans un mélange tournesol – colza au lieu de l’huile de palme. Nous vous informons que la substitution de l’huile de palme est en cours sur toute la gamme « les produits de pomme de terre ». Nos frites à four sont d’ores et déjà à base d’huile de tournesol.
De manière générale, nous essayons de remplacer l’huile de palme dans nos produits par une matière grasse plus qualitative sur le plan nutritionnel dès que cela est possible. Moins de 9 % de nos produits en contiennent encore. Cependant, ce changement entraîne de nombreuses contraintes technologiques pour certains produits. La diversité de notre gamme ne nous permettra pas forcément de supprimer la totalité de l’huile de palme. Pour les produits qui contiendraient encore de l’huile de palme, nous nous engageons à ce qu’elle soit issue d’une filière certifiée durable à partir de 2015 et nous soutiendrons financièrement ces filières dès 2011.”
NB3 : Le WWF a tourné une campagne dénonçant l’utilisation par Nestlé d’huile de palme issue de la destruction des forêts tropicales et des tourbières indonésiennes, dans la fabrication de certains de ses produits, notamment les barres chocolatées Kitkat.